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La publicité est morte, vive la publicité!

Wilfrid DE CONTI
Temps de lecture: 6 mn environ
Illustration par Fanny Lamouroux

La mort de la publicité a été annoncée à maintes reprises. Entre fantasme et réalité, détracteurs et adorateurs, comment se faire une idée objective de la situation ?

Les nombreux experts ayant annoncé la mort de la pub mettent le doigt sur son besoin perpétuel d’évoluer pour continuer à correspondre à ce qu’attendent les consommateurs.

D’un autre côté, notre monde a rarement autant baigné dans la publicité puisque les consommateurs seraient exposés à plus de 3000 messages publicitaires par jour. Elle est omniprésente et même omnicanale.

Que nous dit l’histoire ?

La publicité a connu beaucoup de détracteurs

De tout temps, les experts du secteur ont souhaité annoncer la mort de la publicité. Stéphane Billiet écrivait d’ailleurs en 2014 cette « chronique d’une mort annoncée« . Il reprenait dans cet article l’histoire de ces prophéties qui ne se sont (pour l’instant) jamais réalisées.

Les premiers vrais détracteurs de la publicité sont :

Laura et Al Ries

Laura et Al Ries

Publicitaires

Al et sa fille Laura ont publié ensemble le livre : »la publicité est morte, vive les RP » en 2002. Ils voulaient prédire à l’époque l’explosion future des RP et la baisse de la publicité conventionnelle. En 2009, Al reconnaissait que « l’on peut affirmer sans ambages que les relations publiques ont connu un essor substantiel. De là à dire que cela se reflète dans la répartition des budgets de marketing, c’est moins évident. […] Les entreprises ont encore l’impression qu’elles sont essentiellement gratuites »

C’est ensuite au tour d’Edouard Rencker dans son livre « La publicité est morte, vive la communication » de remettre un couche sur cette théorie.

On remarque que les messages génériques ne marchent plus. La publicité est traitée de « pollution sociale« . Plus personne n’y croit.

De tout temps, la publicité a été attaquée… pour les mêmes raisons…

Si nous prenons un peu de recul sur la situation, nous pouvons remarquer que les attaques envers la publicité désignent toujours un unique versant de la colline. On démonte un moyen pour en mettre en avant un autre.

Mais la publicité n’est pas un recueil de moyens qui permettent de produire et de diffuser de l’information à un public.

La publicité désigne « le fait d’exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales, spécialement, de faire connaître un produit et d’inciter à l’acquérir. »

C’est d’ailleurs très clairement ce qu’explique Dominique Wolton, chercheur au CNRS en sciences de la communication :

« Communiquer ce n’est pas produire et diffuser de l’information, mais créer les conditions de la relation, accepter que le recepteur reçoive, accepte ou refuse, mais toujours remodèle l’information qui lui est destinée en fonction de ses choix philosophiques, politiques, culturels. »

Et ça, les (bons) publicitaires savent le faire et seront toujours dans la mesure de le faire. C’est d’ailleurs Mercedes ERRA, la cofondatrice de la prestigieuse agence BETC qui disait :

« Est-ce que mon métier de publicitaire a évolué en 30 ans ? Non ! Je suis toujours une professionnelle de la compréhension des gens. »

Que nous disent les chiffres ?

De belles recettes pour les médias

On dirait à priori que tout va bien. On remarque qu’en 2017, les recettes publicitaires des médias ont augmenté de 1,2% et représentent 13,7 milliards d’euros.

L’augmentation provient évidemment du digital, mais pas seulement. On voit que la télévision ou encore le cinéma accompagnent le digital dans l’augmentation des recettes.

Evolution annuelle en % 2012 2013 2014 2015 2016 2017
TELEVISION -4.5 -3.5 0.1 0.6 0.4 1
CINEMA 0.4 -13.3 -9.6 1.8 8.9 8.6
RADIO -1.2 -0.4 -1.4 -0.8 -1.3 -2.6
PRESSE -8.2 -8.4 -8.4 -5.9 -6.7 -7.4
PUBLICITE EXTERIEURE -1.7 -1.7 0.8 -0.6 3.1 -2
INTERNET 5.4 4 4.6 6 8 12
ANNUAIRES -5 -5.8 -5.4 -6.9 -11 -8
CP (courrier publicitaire) -5.2 -7.5 -9.2 -6.5 -4.0 -6.8
ISA (Imprimé sans adresse) 0.6 -1.8 -2.4 -0.6 0.8 3.5
PIB 0 0.3 0.2 1.2 1.1 2.0

evolution des dépenses publicitaires

Source : IREP

Attention néanmoins. Ces chiffres représentent l’évolution des recettes des médias. Elles ne correspondent pas aux recettes des marques issues de la publicité.

Le marché se porte donc bien, mais est-ce que l’efficacité est au rendez-vous ?

A priori, pas pour les annonceurs

Si l’on observe de plus prêt les résultats obtenus par les annonceurs en fonction des médias, on remarque que le digital performe moins bien que la télévision. L’indice d’influence d’une bannière web est inférieur de 20 points à un spot TV (chiffres 2015).

Cette étude sur la performance de la TV démontre également une belle performance de ce média.

On commence donc à comprendre qu’à force d’augmenter les budgets de publicité digitale, on met de côté les méthodes plus conventionnelles qui pourtant performent mieux… Et ce constat est partagé par les études d’influences des médias.

Les consommateurs sont d’ailleurs du même avis. Plus de la moitié des consommateurs (51%) pensent que la publicité est un bon moyen pour communiquer avec eux. Ils pensent même que la publicité s’améliore (73%).

Le problème semble venir uniquement de la publicité digitaleC’est d’ailleurs ce que confirme cette étude de Kantar qui précise que :

… Parmi les consommateurs qui utilisent […] un Adblocker, 47 % affirment apprécier ou tolérer la publicité ; le problème serait donc plutôt lié à certains aspects de la publicité online, et non à la publicité en tant que telle.

Pour information : pour nous donner une idée de la performance de la publicité, les études précitées ont utilisé notamment deux indicateurs :

  1. Le Klout Score
    Dédié à la mesure d’influence sur les réseaux sociaux, ce score prend en compte + de 400 facteurs.
  2. Le MCA – Market Contact Audit
    Ces études mesurent l’impact de toutes les actions de communication par secteur d’activité.

 

Si les budgets digitaux explosent alors qu’ils rapportent objectivement moins, alors oui, la publicité a du soucis à se faire.

Cependant, comme l’histoire nous l’a montré, le marché s’équilibre par nature avec le temps. Certains médias sont en perdition mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils soient de nouveaux utilisés, lorsque la place sera moins chère.

La stagnation des résultats obtenus en publicité digitale devrait être perçue comme une opportunité. Il est temps de réinventer nos actions de publicité et de croiser les canaux pour proposer une véritable expérience aux consommateurs. Après tout, seule la mauvaise publicité n’est pas appréciée ?. 

L’auteur :

Wilfrid de Conti
Professionnel de l’engagement et de la brand advocacy

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