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Wilfrid DE CONTI
Temps de lecture: 7 mn environ
Illustration par Fanny Lamouroux

[RÉFLEXION] Si le web permet bien une chose, c’est de connecter tous les gens entre eux. Cette infrastructure surnommée « toile » en anglais a permis à tous les internautes d’accéder à des ressources quasi infinies sans bouger de chez eux. Bien que fantastique sur le papier, cette interconnexion est en réalité à double tranchant pour le petit créateur qui doit donc miser sur une nouvelle méthode : la théorie des 1000 fans.

Le web, un outil à double tranchant

Certe, le web permet à de très grands agrégateurs comme Netflix ou Amazon de centraliser le contenu, le monétiser et donc de créer de la richesse. Mais il expose aussi les petits créateurs à une concurrence quasi infinie car chaque personne devient alors un potentiel concurrent.

Cette problématique a été mise en exergue avec le peer to peer et l’avènement du téléchargement. A ses débuts, le peer to peer apportait une promesse incroyable : « nous pourrons maintenant tous partager nos contenus d’une façon parfaitement anonyme et sans accrocs. Cela ouvre une nouvelle ère pour le partage libre de l’information« .

Seulement, un système dans lequel les actifs circulent sans régulation n’est pas compatible avec le modèle en place qui contrôle la quantité de richesse en circulation via notamment les banques centrales. Créer un système dérégulé revient à créer une économie parallèle, ce qui fait perdre mécaniquement le contrôle aux entités de régulation.

Les entités étatiques et même privées ont donc rapidement commencé à se méfier de ce système. D’ailleurs, nous avons pris l’exemple du peer to peer ici, mais la même chose est actuellement en train de se produire avec la blockchain et notamment, les cryptomonnaies.

Le résultat : si le web apporte une promesse fantastique de connecter les gens entre eux, il ne peux (pour l’instant) pas totalement la respecter principalement pour des raisons de régulations. Cela laisse donc de la place à des entités privées qui exploitent à juste titre l’opportunité de connecter les gens entre eux – tout en collectant de la richesse au passage – et pénalisent les petits créateurs qui doivent trouver de nouvelles méthodes pour s’en sortir.

Que faire lorsque l’on n’est pas un géant

Revenons maintenant au cœur de notre article : la théorie des 1000 fans.

Cette introduction sur le double tranchant du web nous permet de comprendre qu’en créant une opportunité, le web a aussi rendu beaucoup plus complexe la création de géants.

Donc, à moins de viser un succès de blockbuster, que peut faire un artiste pour vivre de son art ?

C’est là que la théorie d’engagement formalisée par Kevin Kelly rentre en jeu. En voici un énoncé simple :

« A creator, such as an artist, musician, photographer, craftsperson, performer, animator, designer, videomaker, or author – in other words, anyone producing works of art – needs to acquire only 1,000 True Fans to make a living. » Source : Kevin Kelly – 1000 true fans.

« Un créateur tel qu’un artiste, un musicien, un photographe, un artisan, un animateur, un designer, un showman, un vidéaste ou un auteur – en d’autres termes, quelqu’un qui produit un travail artistique – doit acquérir seulement 1000 vrais fans pour vivre de son art.« 

Un vrai fan se définit comme quelqu’un qui vous suivra partout. Il vous enverra des mails toutes les semaines pour connaitre vos projets du moment. Il fera 500 kilomètres pour venir voir votre exposition à Saint Malo. Il sera l’un des premiers à réserver en ligne pour voir votre spectacle, même dans la plus petite salle de Paris. Il achètera vos albums et contribuera à votre campagne de crowdfunding…

Bref, vous avez compris l’idée.

Ce que dit Kevin et qui est au cœur de sa théorie, c’est qu’il est BEAUCOUP plus rentable pour un petit créateur de convertir 1000 moindre fans et vrais fans que d’avoir 10 000 moindre fans.

Je reprends ici un extrait d’une traduction de l’exemple donné par Kevin :

Supposons prudemment que les Vrais Fans dépenseront, chaque année, chacun leur salaire journalier pour soutenir ce que vous faites. Ce “salaire journalier” est une moyenne, parce que bien sûr les fans les plus fidèles dépenseront bien plus que cela. Fixons ce per diem que chaque Vrai Fan dépense, à 100 $ par an. Si on a 1000 vrais fans, on arrive à 100 000 $ par an, ce qui, moins quelques dépenses modestes, est un revenu suffisant pour la plupart des gens.

Mille est un nombre accessible. On peut compter jusqu’à 1000. Si on ajoutait un fan chaque jour, cela prendrait trois ans. La Vraie Fanitude est faisable. Plaire à un Vrai Fan est plaisant, et revigorant. Rester sincère récompense l’artiste, tout comme la focalisation sur les aspects uniques de son travail, autant de qualités qui sont appréciées des Vrais Fans.

Le défi-clé est qu’on doit maintenir un contact direct avec ses 1000 Vrais Fans. Ils vous donnent leur soutien directement. Peut-être viennent-ils à vos concerts privés, ou achètent-ils vos DVD sur votre site internet, ou commandent-ils vos impressions sur Pictopia. Autant que possible, on récupère le montant complet de leur soutien. On bénéficie aussi de la réaction directe et de l’amour.

Les technologies de connexion et de fabrication en temps réduit rendent ce cycle possible. Les blogs et les flux RSS distillent des nouvelles et des apparitions à venir, ou de nouvelles œuvres. Les sites web hébergent des galeries de vos travaux passés, des archives d’information bibliographique, et des catalogues de vos biens personnels. Diskmakers, Blurb, les boutiques de prototypage rapide, Myspace, Facebook, et l’intégralité du domaine numérique, tous conspirent à rendre la duplication et la dissémination en petites quantités, rapide, pas chère et facile. On n’a pas besoin d’un million de fans pour justifier la production d’une chose nouvelle. Un maigre millier suffit.

Ce petit cercle d’irréductibles amis, qui peuvent vous fournir une subsistance, est entouré de cercles concentriques de Moindres Fans. Ces gens-là n’achèteront pas tout ce qu’on fait, et il est possible qu’ils ne cherchent pas le contact direct, mais il achèteront une bonne partie de ce qu’on produit. Les processus qu’on développe pour alimenter ses Vrais Fans fertilisent aussi les Moindres Fans. Comme on acquiert de nouveaux Vrais Fans, on peut aussi ajouter beaucoup plus de Moindres Fans. Si on continue, il est possible qu’on finisse avec des millions de fans et atteindre le succès. Je ne connais pas de créateur qui ne soit pas intéressé par avoir un million de fans.

Mais le point essentiel de cette stratégie est de dire qu’on n’a pas besoin d’un succès phénoménal pour survivre. On n’a pas besoin de viser la crème du royaume des meilleures ventes pour échapper à la longue traîne. Il y a un moyen terme, qui n’est pas très loin de la traîne, où l’on peut au moins gagner sa vie. Cette oasis à mi-chemin s’appelle 1000 Vrais Fans. C’est une autre destination qu’un artiste puisse viser.

Source : http://versionfrancaise.blogspot.com/2008/08/1000-vrais-fans.html

Ce que décrit ici Kévin, c’est notamment ce qui a servi de base à l’établissement du concept de crowdfunding. On doit d’abord convertir ses plus grands fans (nos proches) pour pouvoir aller chercher des moindres fans (leurs proches) et les transformer en Vrai fans.

La théorie des 1000 fans prône donc une utilisation intelligente du web et une philosophie de vie qui permet à tout le monde d’obtenir ce qu’il faut « pour survivre ». Un concept intéressant à l’heure de l’ubérisation de l’économie et à l’heure où la répartition des richesses et de plus en plus déséquilibrée.

Et pour les plus grands fans d’entre vous qui ont lu cet article, je vous conseille cette vision dystopique du futur de la blockchain et de ses applications proposées dans la série Startup dont voici le trailer de la saison 3 :

L’auteur :

Wilfrid de Conti
Professionnel de l’engagement et de la brand advocacy

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